Sur la plage de Chesil
Sur la plage de Chesil est un roman rempli de cette intime exploration des caractères humains dont les romans anglais ont le secret dans la lignée de Jane Austen et Virginia Woolf. Si nous sommes très loin de l’ambiance victorienne, le roman rappelle tout particulièrement l’atmosphère woolfienne. Ian McEwan est considéré comme l’un des plus grands écrivains anglais contemporains. Ses personnages, Edward Mayhew et Florence Ponting ont pourtant une touche surannée, en particulier dans l’approche de leur sexualité, thème principal du roman qui débute pendant la soirée précédant leur nuit de noce.
« De ces hauteurs nouvelles ils voyaient loin, sans toutefois pouvoir partager certains sentiments contradictoires : chacun de son côté, ils s’inquiétaient du moment, peu après le dîner, où leur maturité toute neuve serait mise à l’épreuve, où ils se révéleraient pleinement l’un à l’autre. Depuis plus d’un an, Edward était obsédé par ce soir précis de juillet où la partie la plus sensible de son anatomie résiderait, même brièvement, à l’intérieur d’une cavité naturelle du corps de cette jolie femme rieuse et formidablement intelligente. Le moyen d’y parvenir sans se ridiculiser ni être déçu le préoccupait. Il redoutait tout particulièrement la précipitation, ce qu’il avait entendu décrire comme le risque « d’arriver trop tôt ». Cette appréhension le quittait rarement mais, si forte que fût sa peur du fiasco, son appétit – de jouissance, d’accomplissement – était plus fort encore. » (p.15)
Tout le roman est construit autour de cet instant crucial tant appréhendé par les deux protagonistes. Tout commence dans les années 60, près de la plage de Chesil dans le Dorset, plage sur laquelle sera scellé le destin du couple. Entre l’instant qui précède le moment fatidique et celui qui le conclut, le lecteur est nourri de retours en arrière narratifs brossant l’histoire des deux jeunes mariés, leur vie familiale, leur petite histoire, leur rencontre et toute chose nécessaire à la bonne compréhension de la situation de rupture que tout le récit annonce. Le drame intime est cousu de regrets, de douleurs intimes, de non-dits déterminants, de craintes et d’obsessions, d’humour aussi, pour aboutir à un résultat dérangeant, un brin provocateur.
Références: Ian McEwan, Sur la plage de Chesil, folio, 2007.