Flamme

Publié le par Nuage

Flamme.

Un nom de chien, un nom de héros.

Le titre d’un magnifique roman initiatique écrit par Gerileqimuge Hei He (Grue-Noire), un écrivain chinois passionné par les molosses du Tibet qui sont d’efficaces chiens de berger. Celui dont l’histoire nous est contée, Flamme, est un chien au destin extraordinaire que l’on découvre jeune chiot dans la steppe du nord du Tibet et qui parcourt au fil des pages des milliers de kilomètres selon la bonne (ou mauvaise) volonté des hommes dont il croise le chemin. Une vie d’errance et de découvertes. Une vie de nostalgie pour les hauts plateaux tibétains qu’il est forcé de quitter. Marqué à jamais par l’atmosphère du lieu de son jeune âge, Flamme est amoureux fou des grands espaces qui incarnent la liberté :

 

« Flamme se tenait en haut de la pente, immobile. Il contempla longtemps les pâturages verts qui s’étendaient à perte de vue. Il resta ainsi très longtemps, sans le moindre mouvement ; seuls ses flancs s’élevaient et s’abaissaient doucement. Ensuite, hésitant, il leva une patte pour s’assurer que c’était bien de l’herbe qui le chatouillait. Son cœur battait de plus en plus vite. L’herbe ondulait et roulait par vagues vers le large sous le vent de la steppe. Flamme baissa la tête pour sentir de plus près cette herbe grasse qui n’avait rien à voir avec l’herbe rase des pauvres pâturages de la steppe du nord du Tibet. L’odeur de l’herbe était enivrante. » (p.234)

 

Sa chance porte le nom de Han Ma, un jeune instituteur chinois à qui il sauve la vie et à qui il confie la sienne. La relation de l’animal à l’homme est d’une grande pureté. Elle semble un peu plus ambiguë dans l’autre sens : l’animal humain a ses contingences et ses zones d’ombre dont sont dépourvus les autres êtres.

Le roman n’est pas dénué d’engagement politique. Un chapitre du livre est consacré au travail des brigades de protection des antilopes du Tibet, victimes de la prédation économique et vaniteuse de l’humanité :

 

«  L’homme est un animal supérieur et doué de raison. Un jour, en sortant des cavernes, les humains s’aperçurent que les habits dont ils se couvraient pour cacher leur nudité et se réchauffer pouvaient aussi avoir d’autres usages. Apparurent alors de longues jupes couvertes de pierres précieuses, les magnifiques manteaux de zibeline, et bien sûr l’incomprable shatoosh – le tissu fabriqué avec le duvet des antilopes du Tibet. Le shatoosh est une étoffe merveilleuse, légère comme une plume : un châle de deux mètres passe à travers une bague. Mais pour confectionner un châle, il faut tuer trois antilopes. Quand une femelle en train d’allaiter est abattue, son petit ne survit pas non plus. Ces châles, en raison de nombre de vies qu’ils ont coûtées, valent un prix exorbitant ; une femme qui en porte un lors d’une soirée attire tous les regards. » (p .145-146)

 

C’est bel et bien l’homme qui a rompu le charme du jardin d’Eden qu’était le plateau tibétain avant la ruée vers l’or et les ressources naturelles.

 

Un livre à lire pour la beauté de l’histoire, pour la force du personnage de Flamme et pour les magnifiques paysages traversés pendant le voyage initiatique.

 

Références: Flamme, Gerileqimuge Grue-Noire, Collection Chine, Editions Philippe Picquier, 2011.

Publié dans animaux

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