Hôtel des adieux

Publié le par Nuage

hôteldesadieuxL'écrivain américain Brad Kessler signe avec Hôtel des adieux un beau roman d'atmosphère, tragique mais accueillant comme un fauteuil moelleux. C'est une histoire d'accident d'avion, d'attente douloureuse. Ce sont aussi des rencontres improbables et des sentiments forts qui se nouent. Dans l'hôtel tenu par Kevin et Douglas, sur la côte canadienne, les parents des victimes d'un accident d'avion défilent et viennent loger pour attendre ceux qui ne reviendront pas. Les familles arrivent alors que le couple d'hôtelier est en crise. Ils viennent faire leur deuil après le temps d'espoir qui précède tout naturellement. Les cultures des hôtes sont diverses comme l'était l'existence des disparus qui se sont cotoyés dans une carlingue maintenant déglinguée et engloutie par les flots. Parmi les victimes, Russel, un ornithologue qui analyse d'ADN des oiseaux, le mari d'Ana, spécialiste des bruants des prés. C'est Ana que le lecteur accompagne dans son introspection et ses souvenirs:

"Bien sûr, Russel était souvent en voyage, et elle était très absorbée par son travail au labo; leurs attentions mutuelles s'étaient relâchées en une négligence confortable; mais ils n'étaient pas malheureux. Russel était un coussin, quelque chose de solide contre quoi s'appuyer. N'était-ce pas cela, l'amour? La prévisibilité, savoir où chacun d'eux serait. Un GPS. Une façon de s'orienter au milieu de l'agitation du monde? Leur vie s'était poursuivie, sans réflexion, sans souci, jusqu'au matin de l'appel téléphonique, et elle avait pensé, Russel, mon Russel. Pourquoi n'avait-elle pas su où il serait?" (p.191)

La douleur de la perte est évoquée avec énormément de pudeur et beaucoup de réalisme. En parallèle, la sensibilité de Kevin, l'hôtelier, éclate en même temps que sa relation avec Douglas. Exacerbation des tensions. Le jeune homme plonge à son tour dans des réflexions sur la mort digne des grandes traditions philosophiques:

"Maintenant, la flamme héraclitienne prenait pour lui un sens stupéfiant. Chaque être qu'il avait connu, vivant ou mort, n'était-il pas une bougie dont la flamme avait dansé quelques années avant de s'éteindre - sa mère, son père, tous ses amis décédés, ses petits neveux dont la flamme s'était allumée tout récemment et qui s'éteindraient pareillement. "Toutes choses se changent en feu, et le feu épuisé redevient choses." Tous les morts de sa vie n'étaient-ils pas simplement "redevenus choses?" (p.267)

Malgré les apparences et les circonstances narratives, Hôtel des adieux est finalement un roman de conscience optimiste. Le drame est, pour les protagonistes, un prétexte à transcender leur existence, à dépasser leur douleur en tissant des liens solidaires et affectifs. Le tout est servi par une écriture poétique de toute beauté.

 

Références: Brad Kessler, Hôtel des adieux, 10/18, domaine étranger.


Publié dans aventure humaine

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