Terre Mère

Publié le par Nuage

Jean Malaurie vient de publier Terre Mère aux éditions du CNRS, une soixantaine de pages "en hommage à l'imaginaire de la Nation Inuit". Ce texte ciselé, structuré en 7 courts chapitres, pourrait (devrait) être cité dans son entièreté tant il relève de l'essentiel. C'est un texte de réflexion et d'émotion tout à la fois. Un texte construit sur une vision du monde qui réconcilie l'humain et le spirituel. Le titre, Terre Mère, évoque un respect profond pour notre planète et exprime une parenté d'ordre chamanique entre la planète et les êtres vivants qu'elle accueille. L'incipit donne le ton:

 

"Nous sommes des veilleurs de nuit face à une mondialisation sauvage, à un développement désordonné. Si nous n'y prenons garde, ce sera un développement dévastateur. La Terre souffre. Notre Terre Mère ne souffre que trop. Elle se vengera. Et déjà les signes sont annoncés." (p.13)

 

Jean Malaurie livre une réflexion écologique globale sur la crise climatique actuelle  à partir du constat des changements morpho-géographiques de l'Arctique, région à laquelle il a voué son existence et à la défense de laquelle il consacre son énergie sans relâche. Le texte est un cri, une alarme, une colère.

 

Revenant sur son parcours personnel, sur sa naissance au monde Arctique, cet homme de science enregistre l'évolution de sa perception d'un peuple dont le rapport au monde est à la source des choses:

 

"Ils sentent avant de penser. Hommes naturés, ils privilégient l'instinct. Ils pressentent, prévoient, prédisent la vie, la mort, le monde en vertu de quelque communion aussi mystérieuse que simplissime.

Jusqu'alors, j'avais cru analyser ces raisons d'une manière – pourrait-on dire – "occidentale" et même "ordinairement occidentale", or en reconsidérant cette part de ma vie de façon plus intuitive et par là même plus fine, j'ai la sensation que, probablement, l'essentiel a été comme oblitéré." (p.29-30)

 

L'expression "hommes naturés" est éloquente, renvoyant la notion contraire d'hommes dénaturés par une culture fondée sur l'expansion économique, si loin de la conscience de la vie. Jean Malaurie évoque sa propre expérience du sacré au sein même de son travail de chercheur:

 

"Mon étude des pierres et des processus géodynamiques se transforma en rite initiatique; mon travail scientifique, poursuivi pendant plus de dix ans sur ce sujet, s'avérait avoir un sens plus profond; je découvrais peu à peu que la pierre, ses canicules, ses labyrinthes, son eau "géologique", vieille de plusieurs millions d'années, dans les roches ordoviciennes, qui colle aux parois de la pierre et lui donne une résonnance singulière, était à la base même de la religion chamanique; et toute la nature alentour venait me confirmer la réalité de cette philosophie du sacré." (p.33-34)

 

Avec Jean-Marie Pelt, avec Théodore Monod, avec Edgar Morin, avec David Abram, Jean Malaurie manifeste la nécessité de réenchanter le monde, de retrouver les passerelles entre l'homme et le respect de la vie par-delà tous les arguments spécistes. Les Inuits sont de ce point de vue un modèle que Jean Malaurie s'attache à donner en exemple et à protéger.

 

 

Référence:

 

Jean Malaurie, Terre Mère, CNRS Editions, 2008.

 

A propos de Jean Malaurie:

 

Présentation de Jean Malaurie sur BiblioMonde

 

Le Centre d'études arctiques fondé en 1957 par Jean Malaurie

 

 

Le Fonds polaire Jean Malaurie, bibliothèque fondée en même temps que le Centre d'études arctiques

Jean
  Malaurie est le fondateur de la collection "Terre Humaine" chez Plon.

 

Publié dans aventure humaine

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