Le Recours aux forêts
A la fois texte autobiographique, texte poétique, essai, Le Recours aux forêts de Michel Onfray décrit une tentation que beaucoup peuvent partager: la tentation d'échapper au monde, la tentation d'un retour à soi dans un asile naturel. La première partie, "Permanence de l'Apocalypse", se concentre sur les raisons de cette tentation, état des lieux réaliste de l'humanité sombre:
"La bête tue pour manger
Repue, elle ne tue plus
Les hommes ne sont jamais repus
Ils tuent sans relâche
Ils inventent des machines à tuer
Ils raffinent.
Le chien vaut mieux que l'homme…
Diogène avait raison."
(p.18-19)
Je vous épargne des passages nettement plus tristes. Onfray convoque le cynisme individualiste de Diogène pour accrocher "la tentation de Démocrite", ce contemporain de Socrate qui se serait retiré dans une cabane, las de côtoyer le camaïeu des misères humaines. La seconde partie du texte, "Traité des consolations", offre un pendant doux et hédoniste à l'Apocalypse initiateur du retour à l'essentiel.
"Je veux de ma cabane entendre le bruit de l'eau la nuit
Clapotis, petit roulis,
Cascades minuscules faites par une branche accrochée à une pierre
Floc d'un saut de truite gobant le moustique
Quatre mesures brèves avec les pattes d'une poule d'eau qui s'envole
Et raye la surface de la rivière.
A nouveau la vie d'un poisson qui saute et la mort d'une mouche avalée
Coassements des grenouilles
Rires flûtés des crapauds."
(p.48)
La réalité, non édulcorée, est simplement goûtée dans ses moindres aspects par le contemplatif évadé du monde qui voit à loisir et prend simplement le temps.
Un beau texte que ce diptyque tentateur.
Il a fait l'objet d'une adaptation théâtrale. Ne l'ayant pas vue, je laisse l'auteur en parler:
Références: Michel Onfray, Le Recours aux forêts ou La Tentation de Démocrite, Editions Galilée, 2009.